vendredi 30 septembre 2011

Gagner de l'argent grâce à la photographie

Pour une fois je ne vais pas parler technique, mais débattre (oui, oui, les commentaires blogger sont là pour ça).

J'ai envie de réagir à l'article d'une personne que je connais de nom mais que je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer (on s'est malheureusement raté lors d'un apéro photo).

Je vous conseille de lire cet article avant de continuer ici car vous n'allez pas recoller correctement à ce que je vais dire.


Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Clovis en ce qui concerne le constat des conséquences des microstocks sur le monde de la photographie, mais je n'ai pas envie d'adopter la même attitude que lui pour réagir à cette situation.

Je le dis tout net, son appel de la toute dernière phrase, même si j'y adhère, me semble comme une tentative de rejoindre la berge d'un fleuve en nageant à contre courant. Dire cela me semble aussi efficace que dire aux téléspectateurs de TF1 d'arrêter de regarder Secret Story car c'est avilissant. Il y a des courants dans la nature humaine contre lesquels on ne peut pas lutter, il faut les admettre et rechercher comment naviguer à l'intérieur.

Pour moi, l'histoire des poupées russes montre seulement qu'il faut bien avoir conscience de l'endroit où l'on met les pieds lorsque l'on dépose des photos sur un microstock, ce dont le malheureux protagoniste de l'histoire n'avait pas idée.

Lorsque la photographie a été inventée, les Hommes ont pensé que la peinture disparaîtrait totalement. Il est certain que le nombre de portraits que les peintres se sont vu commander après l'invention du Daguerréotype a dû diminuer de façon spectaculaire, mais la peinture a-t-elle disparue pour autant? Non, elle s'est transformé, tout simplement parce qu'il était impossible d'aller à l'encontre de l'attitude du public face à une invention tellement révolutionnaire.

Aujourd'hui la photographie est numérique, et le média qu'est internet en consomme une telle quantité dans la création de son contenu que le travail de photographe en est totalement bouleversé. Oui photographe est un travail qui demande de l'expérience, des connaissances, un savoir faire, un talent même, comme tout activité artistique d'ailleurs, mais le fait d'avoir des millions de personnes capables de fixer sur un capteur CMOS les images de leurs vacances au Tibet change-t-il quelque chose à la qualité des photos faites par les photographes professionnels? Non. Seulement cette photo faite au Tibet avec un Eos 1100D est disponible pour ainsi dire gratuitement sur le marché des images. Des gens sont prêt à en proposer 1€? Alors allons y, vendons! Mais cela reste une photo à un 1€.
Il est vrai qu'il est quasiment impossible aujourd'hui de partir avec son matériel à l'autre bout du monde, de passer plusieurs semaines parmi les populations d'Éthiopie, et de rapporter un reportage que l'on pourra vendre à National Geographic. Mais c'est un changement contre lequel je pense qu'il est vain de lutter, le matériel numérique est là, internet est là, il faut s'adapter.
Dire que ces photos à un 1€ c'est du cassoulet en boîte fabriqué à la chaîne à 10 000 exemplaires par jour est vrai, mais comme pour les émissions de télé réalité, nos arguments n'ont-ils pas d'effet que sur ceux qui déjà n'en mangent pas?

J'ai aussi envie de me faire un peu l'avocat du diable en demandant d'essayer d'imaginer ce que peut ressentir une personnes qui ne faisait que des photos floues et à contre jour il y a un an, lorsqu'elle voit la photo du canard en plastique qu'il a faite avec son tout nouveau réflex numérique et les connaissances qu'il a accumulé en un année en 4m par 3 sur une publicité pour une lotion pour bébé. Il n'aura vendu cette image que 1€, et il a un travail qui lui permet de manger et de se payer son matériel, mais que pouvons-nous faire, pour qu'il ne laisse pas sa photo à un microstock, sans lequel, sans contact ni relation, il n'aurait jamais eu une telle exposition. Vous savez que votre voiture participe au réchauffement climatique qui pourra nous être fatal, mais allez-vous au travail en vélo pour autant? Ce genre de considération, même si c'est regrettable, ne parle pas suffisamment à tout un chacun pour faire changer les comportements.

La meilleure façon pour moi de démontrer l'impossibilité actuelle de faire faire prendre conscience aux gens du problème des photos à 1€, c'est de rappeler tous les autres domaines dans lesquels notre société nous tire vers le bas. J'ai évoqué la télé réalité, Clovis la malbouffe, mais il y a aussi le consumérisme, pourquoi acheter une voiture que je ne peux pas réparer moi-même? ou une imprimante non démontable et dont on ne peut changer les pièces en cas de panne? boycottons tous ces produits qui siphonnent nos ressources naturelles. Le faisons-nous? Pouvons-nous convaincre ne serait-ce que 62 millions de français de le faire? Nous pouvons informer, certes, mais je pense qu'au delà nos efforts sont vains.

La solution pour les professionnels? S'adapter, se retourner dans le courant du fleuve et trouver comment rejoindre la berge la plus proche sans atteindre l'épuisement.
Il y a des domaines que les photos des microstock ne pourront jamais concurrencer, il y a des travaux que les amateurs, ou du moins l'immense majorité d'entre eux, ne pourront jamais proposer. C'est là que les professionnels de la photographie doivent se concentrer, tout en cherchant de nouveaux domaines. Beaucoup de peintres du XIXème siècle se sont mis à la photographie, et les photographes d'aujourd'hui ont une culture visuelle, un savoir faire, une expérience de l'art graphique dont le monde dans lequel nous vivons, avec la multitudes d'images dont il nous inonde, aura certainement encore besoin très longtemps.