lundi 11 octobre 2010

Faire de bonnes photos de concerts et spectacles

J'avoue que le titre de ce post est quelque peu accrocheur, mais je vais m'efforcer de ne pas déçevoir les personnes qui passeront sur cette page.

À qui s'adresse ce post?

À toutes les personnes, quel que soit leur équipement photographique, qui font ce genre de photo:



Olympus E-420 + Olympus Zuiko Digital ED 14-42mm F3.5-5.6
42mm 1/60s f/5.6 800ISO
match impro gris vs orange mar 10 41, première mise en ligne par Bulle Carrée.

Et qui souhaiteraient que leurs images ressemblent plutôt à cela:



Canon EOS 500D + Sigma 70-200mm F2,8 II DG MACRO APO EX HSM
118mm 1/80s f/2.8 800ISO
IMG_8118, première mise en ligne par Ekhinos.

Je ne dis pas que la seconde photo est un exemple, je vais seulement l'utiliser, en toute modestie, comme une étape sur la longue voie de la maîtrise de la photo de spectacle. Cette étape est celle à laquelle je me trouve (cette image étant une des miennes), mais elle n'est certainement pas un aboutissement.
Maintenant, si vous êtes intéressés par ce que j'ai mis en oeuvre pour obtenir cette image, ce post vous est destiné, sinon vous pouvez quittez cette page car vous n'y apprendrez rien que vous attendez.


La première image que je présente ci-dessus est celle d'un spectateur de match d'improvisation, comme vous et moi pouvons en être à l'occassion. Il était équipé d'un réflex grand public comme on en trouve dans les publicités des grands magasins, peut-être semblable à celui que vous possédez.
La seconde image est un cliché que j'ai pris avec mon matériel dans la même salle de spectacle (avec le même éclairage) un autre soir.
Nous allons voir point par point quelles sont les différences qui font que la seconde image est meilleure que la première.



Le nombre d'ouverture

L'appareil photo utilisé pour le premier cliché est un Olympus E-420, mais cela n'a que peu d'importance. Ce qui nous intéresse c'est l'objectif : un Olympus Zuiko Digital ED 14-42mm F3.5-5.6

D'accord, on a la référence de l'objectif, mais qu'est-ce que cela nous apprend?

L'objectif est le seul élément par lequel la lumière passe avant d'atteindre le capteur de l'appareil photo, c'est donc grâce ou à cause de lui que l'image peut être bonne ou mauvaise (par "bonne" et "mauvaise" je veux bien sûr parler de netteté et de luminosité).

Pour cet Olympus, "14-42mm" est la focale, dans l'analyse que nous faisons elle n'a que peu d'importance puisqu'elle est liée à la largeur du champ que l'image va couvrir (voir post 3 de l'atelier photo ). En revanche, "F3.5-5.6" est le nombre d'ouverture, et ça nous intéresse beaucoup plus. Le nombre d'ouverture est décrit dans le post 5 de l'atelier photo. Il représente la quantité de lumière que l'objectif est capable de capter pour exposer le capteur. Plus ce nombre est faible, plus l'objectif est lumineux. Ici nous avons un zoom, donc deux nombres d'ouverture sont indiqués, le premier s'applique à la focale la plus courte : F3.5 pour la focale 14mm, et le second à la focale la plus longue : F5.6 pour la focale 42mm.

Pour des raisons de placement dans la salle (raisons ni bonnes, ni mauvaises), cette photo a été prise à la focale 42mm, ce qui fait que l'ouverture de l'objectif était alors de F5.6 (car il ne peut pas faire mieux).

Sur la seconde photo, l'ouverture de l'objectif était de F2.8, soit le double. Comme le nombre d'ouverture est homogène à une longueur, et que la lumière se capte en fonction d'une surface, la quantité de lumière que recevra le capteur ne sera pas deux fois plus grande avec un nombre d'ouverture deux fois plus petit, mais quatre fois plus grande! (En effet, lorsqu'on double les distances, les surfaces sont multipliées par 2² = 4).

Ainsi, premier constat sur la différence entre le premier et le second cliché : le nombre de d'ouverture minimum possible avec l'objectif utilisé, autrement dit la qualité de l'objectif, donc sa gamme, donc son prix. Hé oui, on en revient souvent à cela, mais pas toujours. En effet, certains appareils photo compacts et certains bridges proposent des nombres d'ouverture proches voir meilleurs que F2.8. Faites donc bien attention à cela lorsque vous achèterez un appareil photo pour faire des photos de spectacle.


Le choix du cliché

Si j'ai choisi cette image pour parler des paramètres qui peuvent améliorer un cliché, c'est parce que je connais bien cette salle de spectacle et ses contraintes. C'est justement l'objet de ce deuxième point d'amélioration.

Le principal problème avec cette salle de spectacle est le caractère peu homogène de l'éclairage de la scène. Celui-ci est principalement central et les parties latérales sont peu voir pas du tout éclairées. Il en est de même pour la partie avant de la scène. Les projecteurs étant situées en hauteur et dirigés vers le fond de scène, un comédien placé à la limite avant de la scène se retrouve dans l'ombre. C'est le cas de l'improvisatrice sur la droite du premier cliché.

Pour palier à ce problème, je n'ai personnellement que deux solutions:

  • Mettre cette photo à la poubelle

  • Retoucher cette photo pour augmenter l'exposition de la personne dans l'ombre

Personnellement, je fais environ 400 photos par heure lors des spectacles, je peux donc me permettre de ne pas retenir un cliché comme celui-ci. La personne sur la droite est dans une partie de la scène trop peu éclairée par rapport aux deux autres personnages. Même si il est possible de compenser l'exposition par ordinateur après coup, cette technique a ses limites et une telle différence de luminosité les dépasse. Aussi, la solution ici aurait été de ne pas retenir ce cliché.

Fort de ce constat, on va progressivement au cours des soirées de photographie parvenir à prévoir ce que donnera la scène d'un point de vu exposition uniquement en l'observant à travers le viseur de l'appareil photo. Dans le cas de cette salle, si un joueur se place dans l'ombre de l'avant scène, même si son attitude est très intéressante et photogénique, on se fera une raison et on ne cadrera que les personnages sous la lumière, car on aura deviné avant de déclencher que l'image sera inexploitable si on la prend.


Le post traitement

Lorsque cela est possible, c'est à dire lorsque l'image brute est assez bonne pour pouvoir en tirer un bon cliché, on peut utiliser le post traitement pour parachever sont rendu.
Afin de vous donner une idée de ce travail, voici le second cliché présenté ci-dessus tel qu'il a été enregistré par l'appareil photo:



Comme on peut le constater, l'image brut est déjà d'assez bonne qualité, ce grâce aux deux éléments dont je viens de parler (nombre d'ouverture de l'objectif et sélection parmi tous les clichés pris lors du spectacle) ainsi qu'aux réglages utilisés lors de la prise de vue (voir pour cela le post sur mes réglages pour les photos de spectacle).
Ainsi, les réglages utilisés ont permis d'obtenir sur cette image brute :


  • Une exposition correcte : Grâce à l'utilisation du mode manuel de l'appareil en association avec une vérification régulière de l'histogramme pour apprendre au fil du spectacle quel temps de pose utiliser à chaque déclenchement

  • Une mise au point correcte : Grâce à l'utilisation d'un seul collimateur d'autofocus en association avec le mode "One shot" et la technique de Mise au point->recadrage->déclenchement afin d'avoir fait le point sur la bonne zone de l'image. Attention! Faire le point sur la bonne zone de l'image est moins simple qu'on ne le pense. En effet, l'ouverture importante de l'objectif nous force à avoir une faible profondeur de champ. De ce fait, il est rarement possible d'avoir net deux comédiens placés l'un devant l'autre. Ainsi, il nous faut choisir "en live" lors de la prise de vue lequel des comédiens sera net et lequel sera flou, et ce choix dépend entièrement de la composition d'image que l'on souhaite faire. Ceci relève des règles de composition d'image (voir posts 1 et 2 de l'atelier photo) que l'on doit connaître sur le bout des doigts et appliquer en une fraction de seconde au moment de cadrer pour faire le point.

  • Une bonne balance des blancs : Pas de visage bleu ou orange, mais la vrai couleur de la peau. Pour ne pas avoir de fausses couleurs dûes à l'éclairage artificiel de la salle de spectacle, pas de secret, il faut faire une balance des blancs manuelle. Pour ce faire (sur le Canon Eos 500D), prendre une feuille de papier blanc, la placer sur scène sous la lumière qui éclairera les comédiens (ce qui demande parfois l'aide du régisseur lumière afin qu'il éclaire la scène avant le spectacle), puis en faire une photo de telle sorte que cette feuille occupe toute la partie centrale de l'image (voir mode d'emploi de l'appareil photo pour plus de détails). Allez ensuite dans le second menu de prise de vue (avec l'icone d'un appareil photo), sélectionnez "B. blanc personal." puis allez checher l'image que vous venez de faire dans la carte mémoire de l'appareil. Une fois ceci fait, sélectionnez la balance des blanc personnalisée dans le menu WB (accessible directement par le bouton du même nom).

  • Un cadrage globalement correct : Même si l'on recadre très souvent le cliché lors du post traitement, il est nécessaire que l'image brute soit suffisamment bien composée pour contenir l'image finale. On peut recadrer plus serré, mais on ne peut pas aller chercher ce qui est en dehors de l'image :-), c'est pour cela que si l'on a coupé un élément important lors de la prise de vue, le cliché est alors inutilisable et peut finir à la poubelle. C'est ce qu'il faut éviter en soignant le cadrage et la composition dès la prise de vue.

  • Un fichier au format RAW : Condition sine qua non à tout post traitement, le format RAW permet de ne pas perdre d'information entre la capture et le logiciel de traitement d'image (Adobe Lightroom dans mon cas). Si ce format n'est pas utilisé (au profit du JPEG par exemple), les traitements qui seront fait à postériori seront plus visibles du fait de la perte de qualité occasionnée par la compression JPEG.

Une fois que l'on a pris soin de tous ces paramètres pour faire l'image brute, celle-ci peut alors être post traitée pour obtenir le cliché final.
Dans le cas de cette image, le post traitement m'a servi à (avec de simples boutons de règlage sous Adobe Lightroom, à l'exception du dernier point):


  • Corriger l'exposition générale de l'image

  • Réduire le bruit

  • Corriger le contraste

  • Corriger l'exposition de façon sélective sur certaines parties de l'image


Pour illustrer cette dernière opération, voici trois étapes intermédiaires du traitement de cette image:



Cette image montre le premier masque que j'ai appliqué. Il m'a permis de diminuer l'exposition du personnage central de l'image. Comme elle étaient située au centre de la scène, cette joueuse était beaucoup plus éclairée que les autres, il a donc fallu réduire de façon sélective son exposition pour la mettre au même niveau que les autres. Cette opération est nécessaire car elle est faite instinctivement par notre cerveau lorsque nous regardons une scène avec ce type de différence d'exposition.




Une fois l'exposition de ce personnage corrigée, on constate que c'est le joueur à sa gauche qui est désormait trop exposé. On lui applique alors le même traitement, mais avec moins d'ampleur car étant situé plus sur le bord de scène, il a reçu moins de lumière.




Après ces étapes, on obtient le cliché final présenté au début de ce post:



IMG_8118, première mise en ligne par Ekhinos.

Et voici comment un matériel adapté correctement utilisé peut améliorer le rendu de vos photos de spectacle.
Pour résumer, et si je devais conclure par un conseil, je vous dirais d'explorer les possibilités de votre matériel, et plus particulièrement les réglages manuels, afin de les comprendre, d'apprendre à les utiliser, pour ensuite en tirer le meilleur parti. Une fois cela fait, vous saurez alors à quels caractéristiques techniques prêter attention lorsque vous déciderez de changer de matériel pour quelque chose de plus performant.