jeudi 20 août 2009

Atelier Photo (post 4)

Partie 3: Approche technique (Lien)

Les deux premières parties étaient destinées à stimuler votre fibre créative, et maintenant que vous arrivez à avoir en tête l'image que vous voudriez faire, nous allons voir comment utiliser l'appareil photo pour l'obtenir.

Attention cependant, ce blog n'a pas vocation à se substituer au manuel d'utilisateur de votre appareil photo. Son rôle est de vous expliquer les grands principes mis en oeuvre en photographie de façon à ce que vous les compreniez et sachiez immédiatement comment utiliser tous les réglages de votre appareil.
Son but est de vous faire comprendre les phénomènes physiques pour ensuite vous laisser libre de leur utilisation. Il n'est pas destiné à vous donner des recettes toutes prêtes à appliquer telles quel.

Commençons par le début : comment faire en sorte d'avoir sur une surface l'image d'un objet?

Principes de base (Lien)
Depuis la première photographie faite par Nicéphore Niépce en 1825, les technologies photographiques se sont grandement améliorées, mais le principe reste le même.

La caméra obscura (Lien)
Étymologiquement, photographie vient de "photo" : la lumière, et "graphie" : l'écriture.
Ainsi, le phénomène physique utilisé depuis la première photo jusqu'à nos jours pour créer une image est basée sur l'écriture sur une surface avec de la lumière. Le tout premier "appareil photo" fonctionnel fût la caméra obscura, ou chambre noire, de Niépce. Cette invention combine deux phénomènes qui étaient déjà connus mais qui ont été améliorés.

Le premier est la chambre noir. Son principe est simple : on prend une "boite" totalement opaque à la lumière, puis on fait sur une de ses faces un minuscule trou de façon à la laisser pénétrer.


On obtient à l'intérieur de la boite une image renversée de ce qui se trouve au dehors. En effet, pour chaque point de la face de la boite opposée au trou, la lumière ne peut y parvenir que depuis un seul endroit, et donc n'y imprimer qu'une toute petite partie du paysage extérieur.

En combinant ce principe avec l'utilisation d'une émulsion contenant du nitrate d'argent (qui a la propriété de noircir en présence de lumière), Niépce réalise le premier cliché de l'histoire de la photographie.

Les surfaces sensibles (Lien)
Suite à la première photo de Niépce, l'émulsion utilisée pour fixer l'image est devenu de plus en plus fine, de plus en plus stable dans le temps, et a également permis d'enregistrer la couleur.

Parallèlement aux recherches sur les émulsions et procédés chimiques, au début du XXème siècle, suite à l'invention du tube cathodique et de moyens de transmission d'informations sur de grandes distances grâce à l'électricité, des inventeurs se sont penchés sur la faisabilité de transformer des images directement en signaux électriques.
En 1929, Philo T. Farnsworth invente le premier système permettant de convertir une image directement en signal électrique, mais ce sera l'iconoscope de Vladimir Zworykin, nettement plus sensible, qui sera utilisé en 1936 pour la première émission de télévision de l'histoire retransmise de façon internationale : la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques de Berlin.


En 1969, Willard Boyle et George E. Smith des laboratoires AT&T Bell inventent le capteur CCD que nous utilisons encore aujourd'hui. À la même époque, plusieurs ingénieurs décrivent le principe du capteur d'image CMOS , mais la technologie ne permet pas encore de le rendre plus performant que le CCD. Ce n'est que récemment (2003 pour l'Eos 300D) que les appareils photo numériques destinés aux photographes avertis ont été équipés de capteurs CMOS.



Les optiques (Lien)
Avec la caméra obscura, on obtient effectivement une image, mais elle est peu lumineuse. Si on veut laisser entrer plus de lumière en augmentant la taille du trou on rend l'image plus floue.

La solution à ce problème est connu depuis la Grèce antique, et constitue la principale différence entre la camera obscura et les appareil photographiques de nos jours, c'est la lentille.

La compréhension du phénomène physique du rayon lumineux qui traverse une lentille est primordiale pour faire de la photographie, nous allons donc nous y attarder.

Comme le principe de propagation de la lumière à travers une lentille est relativement complexe, et que l'appréhension de cette complexité n'est pas indispensable en photographie, nous allons laisser de de coté les calculs complets pour ne considérer que l'approximation de Gauss.

L'approximation de Gauss est une simplification du comportement des rayons lumineux à travers une lentille lorsque l'on peut considérer que le sinus d'un angle est pratiquement égal à cet angle . Plus l'angle i est grand, plus cette approximation est fausse, mais elle a l'avantage de permettre d'expliquer et de se représenter la majorité des phénomènes optiques qui intéressent les photographes.

L'optique géométrique (Lien)
Une seule chose est à connaître en optique géométrique : la méthode de tracé des rayons lumineux à travers une lentille.
La figure ci-dessous illustre ce tracé:


Cette construction montre la propagation à travers une lentille vu de profil (aire bleue). La ligne verticale avec une flèche à chaque extrémité représente la lentille. O est le centre optique, qui correspond au centre de symétrie de la lentille. La ligne horizontale est appelée axe optique, car elle correspond à l'axe de symétrie de la lentille (une lentille possède un symétrie centrale et axiale).
Les point F et F' sont les points focaux. Ils caractérisent la lentille dans la mesure où leur position est directement liée à la courbure du verre à la surface de la lentille, mais également au grossissement que celle-ci procure. Ils sont tous les deux à la même distance de O, et cette distance est appelée distance focale de la lentille.
La flèche bleue AB représente un objet quelconque. Il a été placé sur l'axe optique pour simplifier la construction. Dans la réalité, cela revient à placer notre objet en plein centre de l'image.
La fléche bleue A'B' représente l'image de l'objet. Par image de l'objet on entend "image nette". La position de cette image nous indique l'endroit où l'on doit placer l'écran pour voir se former une image nette de notre objet AB.

L'optique géométrique nous apprend comment déterminer la position et la taille de l'image A'B' lorsqu'on connait la position et la taille de l'objet AB ainsi que la position de O et des point focaux F et F'.
Les règles sont simples :
  • Tout rayon passant par O n'est pas dévié
  • Tout rayon entrant dans la lentille en passant par F, ressort perpendiculairement à celle-ci
Ces deux règles sont illustrées par les deux rayons visibles sur la figure ci-dessus. À partir de là, tous les autres rayons issus de B et traversant la lentille ressortirons en passant par B', déjà intersection des deux premiers rayons bleus dont on vient de parler.

Ces règles vont nous permettre de comprendre où se forme l'image nette de n'importe quel objet en fonction des conditions dans lesquelles cette image est crée.

Première question : Que devient l'image si l'objet s'éloigne (tout en restant sur l'axe optique)?

L'animation ci-dessous répond à cette question. (Lien)


Plus l'objet s'éloigne, plus son image devient petite. Ce n'est pas une surprise.
En revanche, on se rend compte que plus l'objet s'éloigne, plus son image se rapproche de F'. Ainsi, on en déduit que si notre objet est très loin (on considère même "à l'infini"), son image apparaîtra nette au niveau de F'.

Seconde question: Qu'en est-t-il des objets à l'infini qui ne sont pas sur l'axe optique?
Après tout, on peut bien photographier des étoiles sans les mettre au centre de l'image.

Dans ce cas, les deux règles énoncés s'appliquent encore. La seule différence est que si l'objet est situé très loin, tous les rayons provenant de lui pourront être considérés comme parallèles.
Voici alors ce que donne la construction géométrique: (Lien)


Le rayon rouge est celui d'une étoile en dehors du centre de l'image. Il arrivera sur la lentille avec un angle i par rapport à l'axe optique. Pour savoir où va se former l'image de cette étoile, on doit tracer deux autres rayons:
  • Un premier parallèle au rayon rouge mais passant par F
  • Un second parallèle au rayon rouge mais passant par O
Comme tous les rayons issus d'un même objet convergent en un même point sur l'image, alors l'image de l'étoile sera à l'intersection des deux rayon bleus. Le rayon rouge va donc sortir de la lentille en passant par cette intersection.
Comme on peut le constater, cette image se trouve sur un plan perpendiculaire à l'axe optique et contenant F'. Ceci est dû au fait que l'étoile se trouve à une très grande distance.
Ainsi, lorsque l'on veut une image nette d'un objet situé très loin il faudra que la surface sensible se trouve à une distance de la lentille égale à la distance focale de cette-ci. Si on veut l'image d'un objet plus proche il faudra reculer cette surface sensible. On comprend alors qu'une limite mécanique existera et qu'il ne sera pas possible de faire la mise au point d'un objet plus proche qu'une certaine distance. C'est pour cette raison que les objectifs "macro" existent. Ils sont spécialisés dans les mises au point à faible distance, mais ne permettent pas d'avoir net un objet situé à l'infini.

Très bien. On sait maintenant comment se forme une image avec une lentille à focale donnée, mais le plupart des appareils photos sont équipés de zoom.
Même si un zoom est composé d'une quinzaine de lentilles, la partie le plus importante de son comportement peut être représenté par une construction d'optique géométrique dans laquelle la distance OF (et donc OF') serait variable.
Voici en animation ce que cela donne: (Lien)


Ce que l'on constate sur cette animation, c'est que lorsque la distance focale OF diminue, l'image de l'objet diminue également. Donc plus une focale est grande, plus l'image de l'objet sera grande.

Troisième question : L'optique géométrique est-elle en mesure d'expliquer les phénomènes que l'on a vu dans la partie 2 de cet atelier, à savoir:
La réponse est OUI

L'influence de le focale sur la perspective d'abord. Comme on va le voir, ce phénomène n'est pas vraiment dû aux particularités des lentilles, mais plutôt aux simples lois géométriques.

Imaginez deux objets de tailles et de positions différentes : un vert et un bleu.
Prenez maintenant deux points d'observation différents.

Depuis le premier point (à gauche), l'objet qui parait le plus grand est le bleu. Depuis le second point (à droite), c'est le vert qui dépasse nettement le bleu. (Lien)

Dans l'image produite par la lentille, les tailles apparentes des deux objets sont conservée.
On constate que sur la projection de gauche, le rayon bleu arrive légèrement en dessous du vert, l'objet bleu paraît donc plus grand (les images sont inversées par rapport aux objets).
Sur la projection de droite c'est l'inverse. La focale a été considérablement augmentée de façon à ce que la taille de l'image de l'objet bleu soit identique (ce que montre le trait horizontal rouge), mais cette fois-ci l'image de l'objet vert est plus grande que celle du bleu. Cette projection confirme donc la constatation que l'on a faite en tirant de simples traits entre les objets et les points d'observation.

Abordons maintenant l'explication de la profondeur de champ par l'optique géométrique.

Nous l'avons vu, l'optique géométrique permet de déterminer la position d'une image (nette donc) lorsque l'on connaît la position de l'objet, de la lentille et des points focaux. On a aussi vu que l'image d'un objet à l'infini est sur un plan situé au niveau du point focal image F'.
Cette dernière constatation n'est cependant qu'une approximation (oui, encore une). En effet, l'image d'un objet tend vers un plan passant par F' lorsque la distance avec l'objet tend vers l'infini. Donc d'un point de vu totalement strict, l'image ne sera jamais au niveau de F', mais s'en approchera d'autant que la distance à l'objet sera grande.

Pour illustrer ce qu'est une image floue en optique géométrique, considérons deux objets situés à des distances différentes d'une lentille, et une paroi percée ne permettant à la lumière de traverser la lentille qu'en sa partie centrale: (Lien)


Avec la méthode décrite au début, on a tracé pour chacun des objets les trajectoires des deux rayons traversant la lentille à la limite du trou de la paroi. La ligne verticale en pointillés et tirets représente le plan sur lequel on projette l'image.

Comme on peut le voir, les rayons bleus convergent sur ce plan, car la mise au point a été faite sur l'objet bleu (on a fait la mise au point en déplaçant ce plan en pointillés et tirets). L'image de l'objet vert est quand à elle floue, car les rayons traversant la lentille se croisent avant le plan image. Lorsque ces rayons atteignent le plan, ils ont déjà commencé à diverger et l'image du sommet de l'objet vert n'est pas un point, comme pour l'objet bleu, mais une tâche dont la taille est représentée par le tiret rouge.

On a donc un objet bleu net sur lequel on a fait la mise au point, et un autre flou en arrière plan.

Que se passe-t-il maintenant si nous modifions la taille du trou de la paroi pour l'agrandir. On laissera alors passer des rayons bien plus extérieurs à la lentille.
Voici ce que cela donnerai:


Nous avons toujours notre objet bleu net (car la mise au point et faite pour lui), mais l'objet vert a cette fois une image de son extrémité nettement plus divergente au niveau du plan image. La tâche rouge que nous avons vu plus haut a doublée de taille. Comme vous pourrez le remarquer, les rayons issus du sommet de l'objet vert convergent toujours au même point, car la position de son image nette n'a pas changée. Ce qui a changé cependant, c'est la divergence des rayons extrêmes qui traversent la lentille en venant de l'objet vert, et c'est précisément cela qui augmente le flou de l'image de cet objet.

Partant de ce constat, on pourrait se dire qu'il est impossible d'avoir un objet entier net, parce que les objets sont en trois dimensions et que la mise au point est faite pour une distance donnée très précise.

C'est vrai, mais que se passe-t-il si la tâche floue est plus petite qu'un grain chimique de la surface sensible, ou un capteur (pixel) du composant CMOS?
Dans ce cas il est impossible de voir le flou.
C'est pour cette raison que nous arrivons à avoir des images nettes d'objets en trois dimensions, et c'est aussi pour cette raison qu'à 100 mètres, la mise au point se fait sur l'infini. À une telle distance, si le plan image est au niveau du point focal F', le flou de l'image sera tellement faible qu'il sera invisible, et toute l'image sera alors nette.

Ainsi, la profondeur de champ n'est limitée que pour des distances par rapport auxquelles la focale n'est pas négligeable. Selon que l'on utilise un compact, un bridge ou un réflex, cette limité à partir de laquelle on fera la au point pourra aller de 5m (compact) à quelques dizaines de mètres (réflex avec téléobjectif).


Nous venons de voir comment l'optique géométrique explique la majeure partie du fonctionnement d'un objectif, mais quelle est cette partie restante non couverte par l'approximation de Gauss?
C'est ce que nous verrons dans le prochain post.



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